AER : Memories of Old

Il est des jeux qui ont le don de nous captiver des heures durant, sur lesquels on revient des semaines après. Que ce soit pour la richesse de leur univers, la multitude de missions annexes, ou encore un système de progression à multiples embranchements. Mais il arrive que les expériences qui nous marquent le plus soient bien moins complexes, bien moins longues, et nous restent malgré tout en tête, alors même qu’on les a terminées depuis des mois. C’est ce qui m’est arrivé avec AER Memories of Old. À la base intrigué par les visuels sur la page produit de Steam, je l’avais mis comme à mon habitude dans ma wishlist, comme un pense-bête en quelque sorte. C’est lorsque je l’ai reçu dans un Humble Bundle du mois, que je me suis finalement décidé à m’y plonger. Branchant mon casque, ma manette, je ne savais honnêtement pas à quoi m’attendre. Et c’est ainsi que j’ai embarqué dans ce voyage onirique, à la fois court et très intense, qui aujourd’hui encore me fascine.

Mais avant toute chose, une présentation s’impose. Sorti le 25 octobre 2017 initialement sur PC, AER Memories of Old est un jeu d’aventure à la troisième personne, assez proche dans son game design des walking simulators. Il nous vient du jeune studio suédois Forgotten Key, désormais fermé, et n’ayant donc à son actif que cette production. L’édition revient aux allemands de Daedalic Entertainment, qui occupaient également ce rôle sur Chains of Satinav, précédemment chroniqué. Le jeu profitera également d’une sortie en boîte sur Playstation 4, pour mon plus grand bonheur de collectionneur. Mais revenons à ce qui m’a attiré lors de la découverte de ce jeu : sa direction artistique. Le studio ayant pris le parti du low-poly et des aplats de couleurs relativement chaudes, l’exploration du monde se révèle être une véritable plongée dans un rêve, portée par une bande originale très douce, presque onirique, qui sublime chaque minute. Et même son absence, sporadique tout de même, parvient à donner du poids aux évènements rencontrés. Je recommande d’ailleurs l’utilisation d’un casque lors de votre aventure, tant la musique participe à son ambiance si particulière. Vous l’aurez compris, le jeu puise beaucoup dans son esthétique pour nous attirer dans son monde. Mais qu’en est-il du reste ?

Abordons à présent son contexte, ce qu’il tente de nous raconter et la manière dont il le fait. Comme évoqué précédemment, AER est un jeu d’aventure dont une grande part du gameplay réside dans l’exploration, à la manière des walking simulators. On y incarne Auk, jeune pélerine en quête des trois temples de la Terre des Dieux, scellés par la prêtresse Karah lors de la Grande Fracture. Ah oui, je pense qu’il est peut-être temps d’évoquer l’univers dans lequel on évolue. Autrefois similaire au notre, ce monde fut brutalement divisé en multitudes de petites îles flottant dans les airs. Cet évènement, appelé la Grande Fracture, changea à jamais ces terres et les peuple y vivant. Elle fut causée par une entité appelée le Néant, dans son insatiable de désir de dévorer le monde. Chacun des trois temples donnerait accès à un fragment de médaillon, nécessaire à l’ouverture de la demeure de Créateur. Lui seul pourrait repousser le Néant, et ainsi permettre à l’humanité de ce monde fracturé de ne pas sombrer. Si la forme est bien amenée, le fond reste lui assez conventionnel. Il est ici question de l’éternel combat entre la lumière, symbolisés par le Créateur, et sa part sombre, le Néant, dont il s’est séparé, engendrant le cataclysme qui fractura ce monde.

La narration, relativement cryptique, est enrichie par de multiples documents, disséminés aux quatre coins du monde. Il sera donc nécessaire, pour qui veut en apprendre plus, d’explorer chaque île à la recherche de ces précieux manuscrits. C’est seulement ainsi qu’il sera possible de recouper les informations concernant cette fameuse Grande Fracture, et tout ce qu’engendra ce cataclysme sur le monde et ses habitants. Comme tout jeu aux mécaniques semblables, il est tout à fait possible de se désintéresser totalement des divers documents annexes, et de terminer le jeu en ligne droite. Mais jouer ainsi nous privera de bon nombre d’éléments primordiaux à la compréhension du lore, pouvant gâcher une partie de l’expérience. On est après tout face à un jeu d’aventure mettant énormément l’accent sur l’exploration pour nous immerger dans son univers. Celui-ci s’articule en petit open world constitué de plusieurs régions d’archipels flottants, contenant quelques points d’intérêt et instances (simples grottes contenant des documents ou donjons du scénario), nécessitant un mode de déplacement aérien pour s’y mouvoir librement. C’est là qu’entre en jeu le cœur du gameplay des phases en extérieur.

En sa qualité de pélerine, Auk est capable de se changer en oiseau, afin de se mouvoir dans les airs, et ainsi accéder aux différentes zones de la carte. Lors de ces phases, très peu d’interactions sont possibles avec le monde, hormis les passages dans les courants d’air ou les nuages. Et encore une fois, tout le propos du jeu passe par celles-ci. La sensation de liberté et d’extrême bien-être que j’y ai ressenti a rarement été aussi intense dans un jeu avant, et même depuis. L’absence de menace, associée à sa direction artistique et sa fantastique bande originale, rendent l’expérience vraiment reposante. On pourrait même s’arrêter là, à parcourir le ciel de part et d’autre, traverser les nuages et atteindre les hauteurs de ce monde, tant ce moment se suffit à lui-même. Il m’est d’ailleurs souvent arrivé, après avoir terminé l’histoire, de revenir sur de courtes sessions, casque aux oreilles et manette en main, pour simplement profiter d’un moment calme, apaisant, sans aucun autre but que le survol des différents archipels, perdu dans cette immensité céleste. Les phases de donjons, plus classiques, dégagent malgré tout une aura également très reposante, bien que le gameplay soit cette fois-ci axé sur les énigmes, relativement simples ceci dit. Joueurs aguerris à la recherche du challenge, passez votre chemin. L’accent étant mis sur l’ambiance et l’exploration, la base du gameplay n’a absolument pas été pensée pour opposer une résistance. Les énigmes sont simples, aucune situation ne nécessite de combattre, impossible de mourir lors d’une chute du ciel en se retransformant. Il ne lui reste littéralement que son atmosphère envoûtante, qui finalement se suffit à elle-même. Petit accessoire de gameplay bien venu, la torche que l’on acquiert en début de jeu permet, une fois activée, de révéler des fragments d’histoire à certains endroits du monde, figés à jamais dans le temps.

Il est difficile de vraiment conseiller AER Memories of Old, tant le minimalisme de son gameplay est déroutant pour le genre. Les énigmes ne constituent pas un vrai obstacle, on avance sans aucun mal, les interactions sont peu nombreuses, et la narration est réduite au strict minimum. Alors pourquoi le chroniquer ? La réponse est simple, son ambiance si particulière qui m’a tant fait revenir dessus, et ce même si je n’avais en principe plus rien à y faire. C’est là même tout l’intérêt du jeu, qui devient vraiment prenant une fois qu’on a lâché prise pour s’immerger dans son univers. Jamais un jeu ne m’avait fait vivre une expérience aussi intense en si peu de temps, et ce malgré un gameplay relativement pauvre. Car oui, le jeu ne demande pas plus de 3h pour être bouclé, peut-être légèrement plus en collectant tous les documents annexes. Pour une expérience optimale, je conseillerai d’ailleurs de le faire en une seule session.  Sur ce, je retourne m’envoler quelques minutes vers l’horizon, et ne peux que vous enjoindre de vous laisser également tenter par cette aventure si grisante.

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