Avant-propos
En préambule, j’aimerai cadrer ce qui va être détaillé tout au long de l’article. Pour la première fois depuis que je joue et pense le jeu vidéo, et après avoir vu à l’œuvre (sur YouTube ou ailleurs) ce type de pratique, j’ai à mon tour tenu une liste tout au long de l’année. Une liste, aussi précise que possible, des différents titres que j’ai pu parcourir, finir ou non, avec comme objectif d’analyser mes pratiques de jeu en premier lieu, mais également, tout simplement, pour ne pas oublier. En parallèle de ça, 2022 a également été l’année des rencontres et de mon investissement associatif dans le cadre du jeu vidéo. Et quelle année ! Si tout ne s’est – clairement – pas mis en place comme je l’aurai souhaité, notamment concernant la reprise de l’écriture de nouvelles, une foule de perspectives se sont néanmoins présentées à moi. Et ce, à travers les œuvres découvertes, dont certaines resteront un très long moment gravées dans ma mémoire et inscrites dans mon parcours de joueur. Mais également les différentes activités ou événements auxquelles j’ai pu assister, participer, contribuer, qu’il me paraissait important de noter quelque part. Pour ne pas oublier je suppose. Mais j’ai un tas de trucs à dire, donc commençons sans plus tarder.
Réflexions et retour global
Je ne pense pas vous apprendre quoi que ce soit en posant le constat suivant : le jeu vidéo coûte cher. Au-delà de cette affirmation simpliste, plusieurs points sont à l’œuvre. Le prix des jeux neufs en eux-mêmes, bien entendu, mais également les supports pour lire ceux-ci. Et si se décider à lâcher le demi-millier d’euros pour à son tour entrer dans la neuvième génération de consoles peut encore être perçu comme envisageable, le prix du matériel vient à drastiquement gonfler lorsqu’on aborde le jeu sur PC, et ce jusqu’à des ordres de grandeur assez aberrants pour « juste » avoir accès aux titres qui nous intéressent. Sans parler de l’entretien de sa machine, les éventuelles upgrades au fil du temps, et autres joyeusetés. On peut donc affirmer sans trembler que pour un usage personnel, pratiquer le jeu vidéo est un loisir globalement peu accessible.
Si j’ai décidé d’aborder ce point dans ma rétrospective, ce n’est nullement pour faire une analyse de comptoir de l’absurdité du marché ou de faire culpabiliser qui que ce soit. Si vous avez le temps et les moyens, c’est tout à votre honneur. Mais cette réalité de l’industrie vidéoludique, elle a un impact sur nos habitudes de jeu, et je n’y échappe bien évidemment pas. Tout au long de l’année, j’ai pu jouer à près d’une cinquantaine de jeux, ce qui en soit est plutôt élevé. Et encore, c’était sans compter les rares titres lancés quelques minutes, ou bien les jeux de sessions (Guilty Gear Strive, Street Fighter 3.3 ou encore Granblue Fantasy Versus). Si dit comme ça, ce chiffre ne veut pas dire grand-chose, force est de constater qu’au delà du volume, des tendances claires se dégagent de cette fameuse liste. Et avec elles, une vision. Pour être tout à fait honnête, si j’ai décidé d’aborder le cas du coût de la pratique du jeu vidéo, c’est parce que depuis ma toute première console, mon premier contact avec le medium, celle-ci a toujours été présente. Comparativement à beaucoup de personnes de mon âge, j’ai commencé tard. Et surtout, j’avais au début assez peu accès aux rares machines en ma possession. Ajoutez à cela peu de ressources pour me payer des jeux, et cela donne un certain « retard », qu’il m’a toujours semblé nécessaire de tenter de combler (spoiler: c’est absolument impossible). Mon regard a donc pendant longtemps été tourné vers le « passé » (pas dans le sens retrofreak, mais plutôt avec une bonne génération, voire deux, de retard), et il faut croire que cela m’anime toujours. J’en veux pour preuve l’avalanche de titres ne dépassant même pas la 360 (et descendant jusqu’à la Super NES, il ne me semble pas avoir fait plus ancien cette année), qui occupe une bonne moitié de mon temps de jeu sur 2022. Des rattrapages de titres parfois même considérés comme des piliers de leurs genres respectifs, ou au minimum d’importantes contributions, même si plus niches. Mais aussi des suites ambitieuses, de l’indé, de la grosse production, ou encore, de bons jeux passés sous le radar du flot incessant de parutions dont nous abreuvent les structures de toutes tailles. Encore une année particulièrement chargée en définitive. Mais pas tant que ça en jeux sortis au cours de l’année. Et pour cause, comme énoncé précédemment, le jeu vidéo coûte cher. J’ai donc, comme tous les ans, fait le choix de ne jouer qu’à un ou deux titres de 2022 et concentrer le gros de mon attention sur ces fameux rattrapages. Mais alors, quel titre était cette année l’heureux élu ?
Cas particulier
Je vais vous épargner le suspense, c’est bien entendu Elden Ring. Ne vous inquiétez pas, je ne m’étalerai pas outre mesure à son sujet, bien d’autres personnes ont su le faire au cours de l’année, et je n’ai pas spécialement plus de choses à rajouter. Hormis peut-être ma réception, mon ressenti personnel. J’ai découvert le format « Soulsborne » en 2014 avec un Dark Souls cracké, alors que j’attendais impatiemment que ma ligne Internet soit raccordée. Et si mes recherches m’avaient maintes fois menées vers cette œuvre, il aura fallu attendre une période de relative accalmie pour enfin m’y essayer, et surtout m’y plonger corps et âme. Si j’avais déjà à cette époque mon lot de titres fondateurs de mon profil de joueur, c’est à cet instant que ma vision en fut chamboulée. De par son ambiance incroyablement désolée, son level design ingénieux ou encore sa trame et ses différentes thématiques disséminées en filigrane tout au long du périple, il a posé sur moi une empreinte indélébile, qui m’a même fait changer d’approche en terme d’analyse vidéoludique. Ce n’est donc pas une surprise si depuis la majorité des titres de From Software qui ont suivi partageant cette vision ont également intégré mes références.
Mais alors, quid d’Elden Ring ? Est-il le chef-d’œuvre inatteignable comme certains le dépeignent, ou alors une arnaque vide, chiante et surcotée, comme le laissent entendre d’autres ? Bon, bien entendu pas le second, mais au final, eh bien ni l’un ni l’autre. Parce qu’au risque de vous choquer par cette révélation, aucun jeu n’est parfait. Croyez-moi bien, il mérite son succès retentissant, et nombre des qualités reconnues maintes et maintes fois par tant de profils différents ayant pu s’essayer à l’expérience sont partagées de mon côté. Beaucoup d’aspects étaient perfectibles, comme son équilibrage, la conception parfois douteuse de ses donjons annexes, l’interchangeabilité de nombre de ses boss optionnels, une caméra aux défauts hérités de Demon’s Souls (sorti je le rappelle en 2009), des mécaniques finalement pas tant en rupture comparé à Dark Souls 3, ou encore son effroyable optimisation PC (et sa technique en général). Et si ses problèmes sont bien réels et qu’il est important d’en parler, sa proposition n’en est pas moins spectaculaire. Ce n’est pas juste Dark Souls en environnement ouvert. Si les affrontements peuvent effectivement se jouer quasi exactement comme DS3 (hormis l’ajout du saut qui nous vient de Sekiro), sa progression et la manière dont il a remis l’exploration au centre de l’expérience méritent une attention particulière.
Le monde est à la fois gigantesque, regorgeant de myriades de secrets dans ses moindres recoins, et pourtant très lisible. Ayant la fâcheuse tendance à me perdre (en vrai comme en jeu, ça ne change pas vraiment), j’ai été fasciné par la manière dont le jeu parvient à toujours mettre en évidence des éléments visuels forts pour aider à mémoriser les lieux, et ce sans l’aide d’un quelconque marqueur extra-diégétique intrusif. Il y aurait encore tant à dire, mais j’ai déjà consacré trois paragraphes à un sujet sur lequel je ne comptais pas m’étaler. Pour clore celui-ci, j’ajouterai juste qu’il m’a fait ressentir des émotions que je n’avais su retrouver depuis ma découverte de Morrowind en 2005. Les soirées entières passées sur Discord avec certains amis, à se raconter nos vies, partager des points sur la carte, établir nos propres théories sur l’histoire, ou encore à se retenir de décrire le paysage que venait de nous décrocher la mâchoire. C’était incroyable, et même si le jeu a des soucis de conception inhérents à sa formule et toujours cette même incapacité à expliquer correctement ses mécaniques, certains de ces moments resteront gravés à vie dans ma mémoire. Et ça c’est fort.
Mais alors, si Elden Ring est le seul jeu de 2022 auquel j’ai joué en… 2022, à quoi d’autre ai-je bien pu m’essayer ?
Mes meilleurs rattrapages
Comme évoqué plus haut, j’ai pris pour habitude depuis presque aussi longtemps que je joue à privilégier tout le background culturel déjà à disposition en opposition aux sorties récentes. Ou plutôt, j’ai tendance à me ranger dans la catégorie des « patient gamers », soit des personnes qui vont, pour plusieurs raisons que je ne partage pas nécessairement, préférer attendre une, deux, trois années, voire même plus, avant de se plonger dans un titre. Les raisons invoquées étant plus souvent de l’ordre d’état de finition desdits jeux, pas étonnant que ce mode de consommation ai trouvé un plus grand nombre d’adeptes depuis que le medium est entré dans l’ère du tout connecté, où des patchs correctifs sont souvent déployés le jour même de la sortie des jeux (les fameux patchs day one), au point que cela soit entré dans les mœurs de l’industrie. La démarche est donc avant tout contestataire. Et en ce sens, je ne peux que me ranger de leur côté, bien que mes motivations personnelles fussent légèrement différentes. Bien que ne travaillant pas dans le secteur, ma position de développeur m’a probablement octroyé une forme d’empathie pour les modes de production et les conditions de travail des créatifs, et bien que cela ne serve pas à grand-chose à mon niveau, j’ai à plusieurs reprises maintenu ma pré-commande en connaissance de cause, alors même que les recettes n’allaient pas réellement dans les comptes des personnes réellement concernées, qui sont pourtant le moteur de notre loisir. Mais je m’égare, mon but derrière l’évocation de ce type de consommation était principalement pour orienter l’article vers ce qui, en dehors d’Elden Ring, m’a émerveillé cette année.
Au fil des mois, de nombreux titres se sont ajoutés à la modeste liste que j’ai tenté de tenir au mieux, et la plupart du temps de solides références de leur époque. Pour vous épargner un name dropping un peu vain ou le détail complet de tous mes rattrapages de l’année, j’en ai sélectionné cinq. Cinq jeux ayant chacun fait les beaux jours de leurs supports respectifs, que ce soient des œuvres majeures reconnues dans leur genre et encore acclamées de nos jours, ou alors tout simplement des jeux très cools ayant enrichi le medium d’une quelconque manière, et ce même si leur renommée était parfois moins éclatante. Pas d’ordre particulier dans cette liste d’ailleurs, l’idée n’étant pas d’en faire un top. Si ces habitudes de consommation me sont propres, j’aimerai m’étendre un peu plus dessus lors de la conclusion de ce dossier, car il y a quand même des choses à en dire indépendamment de moi. De même que j’expliciterai dans cette section mes raisons de me qualifier « patient gamer », bien que cette communauté me soit finalement assez étrangère de par mes difficultés d’ordre social. Et non, je ne parlerai pas de Metal Gear Rising : Revengeance, tout simplement parce que j’y ai consacré une chronique suffisamment longue juste ici. Mais trêve de digressions, voici ma liste des cinq rattrapages qui ont rythmé cette année 2022.
1. Project Zero

Parmi les œuvres cultes de l’âge d’or du survival-horror (entre la fin des années 90 et la première moitié des années 2000), la série Project Zero a toujours été en tête de ma liste des immanquables à rattraper. Mais le temps faisant son office, j’ai tant remis à plus tard ma découverte que j’en étais presque venu à en oublier l’existence. Et son impact. Parce que si les deux références du genre, que sont Resident Evil et Silent Hill, ont imposé un certain cadre et une marche à suivre sur le plan mécanique et structurel, c’est avec Project Zero que la J-horror s’affirme pleinement manette en main. Ancré profondément dans le folklore et la culture japonaise, ce premier épisode sorti en 2001 (la même année que Silent Hill 2) par Tecmo, sous la direction de Makoto Shibata (notamment crédité depuis au scénario de Nioh), frappe très fort et annonce la couleur. À commencer par son théâtre des événements. D’ordinaire habitués aux vieux manoirs occidentaux (RE, Alone in the Dark, Clock Tower) ou aux villes fantômes (SH principalement), c’était la première fois qu’un jeu du genre nous faisait évoluer dans un véritable domaine à la japonaise, de la maison aux jardins, en passant par le temple. Et, bien entendu, nous faisait vivre leur approche de l’horreur au Japon, du moins dans ces proportions.
Mais plaçons le décor. L’intrigue se déroule en 1986, et prend place au manoir Himuro, où l’écrivain réputé Junsei Takamine est porté disparu. Pressentant que de sombres événements s’y déroule, le journaliste Mafuyu décide de partir y enquêter, mais ne donnera vite plus signe de vie. C’est donc au tour de sa sœur, Miku (que l’on incarnera tout le reste du jeu), de démêler la vérité autour des sombres rituels qui semblent avoir eu lieu, et de retrouver son frère, avec qui elle partage la faculté de voir les manifestations surnaturelles. Armée de son appareil photo, la Camera Obscura (dont l’une des mystérieuses facultés est de pouvoir capturer les âmes des fantômes en les photographiant), ses pas la mèneront jusque dans les profondeurs du manoir, là où les pires secrets de la famille Himuro dorment en attendant leur heure.
De prime abord, l’intrigue peut paraître relativement convenue. Et en un sens, les grandes lignes le sont quand même partiellement. D’autant plus que celles-ci se retrouvent dans des œuvres cinématographiques cataloguées J-horror, sortant aux mêmes périodes. On pense bien évidemment à Ju-on et Ringu pour leur rythme lourd, plombant, sublimés par des ambiances visuelles et sonores poisseuses et anxiogènes au possibles. Mais également pour l’incursion du folklore japonais, notamment les yūrei, ainsi que les rituels shinto et tout simplement les maisons traditionnelles japonaises (et leur détournement en lieux de cauchemar). Cependant, au fil des heures la véritable intrigue se délie, s’extrayant quelque peu de ses influences de base pour toucher du doigt des thématiques plus insidieuses encore sur le plan mythologique et humain. Et c’est bien entendu sans compter sur sa conception, encore une fois appuyée par les références du genre. Le level design reste très similaire aux grosses cartouches du survival-horror, à savoir des environnements interconnectés parsemés de petites énigmes et d’objets-clés à ramasser. La particularité ici reste bien entendu la Camera Obscura. À la fois arme (il est même possible d’équiper des pellicule plus ou moins puissantes), outil de résolution de puzzles et élément narratif (à la fois dans sa symbolique et dans sa fonction), c’est le véritable cœur du gameplay de Project Zero, qui deviendra d’ailleurs la marque de fabrique de la série par la suite. Ajoutons à celui une dimension de scoring (basé sur les dégâts infligés aux fantômes, la collecte d’infos dans les environnements, etc…), avec des caractéristiques et effets de pellicule à débloquer avec les points récoltés, et on obtient un survival-horror aux influences classiques mais à la singularité remarquable. Une véritable alternative aux canons du genre, et une œuvre très importante, à mon sens, pour en définir les contours à long terme, et ouvrir la J-horror à un autre medium.
2. The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories

Difficile de parler de The Missing sans dévoiler l’un de ses intérêt majeurs : sa trame scénaristique, et surtout ses thèmes principaux. Car il fait partie de ces jeux dont on ne comprend la portée qu’une fois la révélation finale atteinte. Mais comme mon principal intérêt dans le jeu vidéo sera toujours le game design et qu’autour de la storyline de The Missing, eh bien il y a un jeu, il serait tout de même de bon ton de vous le présenter un peu.
Première sortie du petit studio d’Osaka « White Owls » en 2018, The Missing se présente comme un jeu de plateforme en 2.5D basé sur la physique, dont la mécanique principale est la… manipulation du corps de l’héroïne pour progresser dans les énigmes. Je m’explique. JJ, notre personnage, peut encaisser la plupart des dégâts sans mourir, et se reconstituer intégralement à partir de juste sa tête. Partout dans les niveaux, différents pièges seront disposés et donneront lieu à des démembrements, immolations et autres os brisés. Et ces différentes blessures seront ensuite utilisées à notre avantage. Ce qui est un plutôt bon contre-pied (sans mauvais jeu de mot) à la formule cinematic platformer « à l’ancienne » des jeux Playdead (des parallèles peuvent être faits avec Limbo et Inside, notamment via les pièges et les énigmes basées sur la physique). Faire tomber un objet en lançant son bras, s’éclairer avec son corps en feu, ou encore inverser la gravité en se brisant la nuque, entre autres, feront partie des boucles de gameplay développées lors de tableaux proposés.
Vous l’avez vu, la symbolique du corps et des souffrances qu’on peut lui infliger fait partie intégrante de la proposition globale. C’est bien entendu le cas pour ses mécaniques, mais ça transparaît bien entendu dans sa narration. Et j’en ai presque trop dit. Sachez juste que c’est pour moi un jeu important. Pas forcément très subtil dans son traitement des thématiques abordées (car fait par des personnes non concernées, et ce malgré l’appui de consultant.e.s dans le domaine), mais avec la volonté de parler du mieux qu’il peut de sujets difficiles. Tout a du sens, et même si c’est parfois appuyé de façon un peu maladroite (je l’avoue), l’expérience est vraiment à recevoir dans son ensemble.
Si je peux juste ajouter quelques éléments pour parler de la narration sans en évoquer les thèmes, il y a un lien fort entre les collectables du jeu (des donuts parce que pourquoi pas) et les principaux éléments d’histoire par le biais de messages sur le téléphone de JJ. Récupérer des donuts débloque donc des conversations avec les principaux contacts de cette dernière, nous donnant beaucoup plus de contexte que ce que veut bien nous dévoiler la trame principale. Cela va donc rentrer dans notre routine de chercher ces fameux collectables, car il y a un véritable intérêt à le faire. Chose que j’ai du mal à retrouver dans les productions qui lui sont contemporaines (non pas que ce soit unique ici, juste que c’est devenu plus « discret »).
Oh, et j’ai oublié de le dire. White Owls, c’est le studio d’Hidetaka Suehiro, alias Swery. Oui, le même que pour Deadly Premonition. Et gardez bien ce nom en tête, il pourrait bien revenir bientôt lors d’une prochaine review. Car j’aime beaucoup le bonhomme, et ce même si ses jeux ont la fâcheuse tendance à présenter une technique laborieuse. Afin de ne pas vous dégoûter, je pourrais ajouter que The Missing est probablement son jeu le plus soigné sur ce plan. Ce n’est pas parfait, mais le choix de la 2.5D aide beaucoup (et peut, je l’avoue, parfois cacher la « misère »). Mais ses jeux, à l’image de ce dernier, ont vraiment du coeur, et je ne peux que vous inviter à passer outre leurs visuels parfois assez grossiers. Ils le méritent vraiment, et plus encore The Missing.
3. Yakuza Zéro

Là, on touche à l’un de mes plus grand bouleversements ludiques de l’an dernier. Et j’irai même jusqu’à dire de ces 10 dernières années au moins. Ayant pendant longtemps joué sur support Microsoft ou Nintendo, les exclusivités Sony (dont Yakuza faisait partie jusqu’à pas si longtemps) sont restées hors de ma portée durant cette période. Même si entre temps j’ai fait l’acquisition d’une PS4 en 2017, puis d’une PS3 en 2019 (oui, si tard), la licence n’était pas remontée dans mon backlog, représentant au premier abord un pan du jeu vidéo qui me parle moins. Contemporain, open world avec une foultitude de contenu annexe, beat’em up très orienté arcade, sur le papier cela n’aurait pas dû être la révélation que ça a représenté dans mon parcours de joueur. Et pourtant, une fois la première heure (relevant presque du visual novel tant l’éventail d’action est limité et son rythme est lent), je me suis fait inexorablement happer par Kamurocho et son ambiance saturée de néons. Et son setting prenant place en pleine bulle économique japonaise (les années 80, la city pop, l’argent qui paraît presque illimité, tout ça). Je ne suis pas particulièrement nostalgique de ce genre d’époque (encore moins d’un pays dans lequel je n’ai jamais mis les pieds), mais force est de constater que le premier contact avec ce Yakuza Zéro m’a retourné. Mais un peu de contexte quand même.
Sorti en 2014 au Japon, et seulement en 2017 chez nous, Yakuza Zéro est ce qu’on pourrait qualifier de beat’em up en open world, avec des mécaniques de J-RPG. Au programme, double trame scénaristique avec d’un côté le légendaire Kazuma Kiryu, héros depuis le premier jeu, et le nom moins remarquable Goro Majima, qui servira à plusieurs reprises de rival à Kiryu au fil des autres épisodes. Le tout enrobé dans un open world matérialisé par deux quartiers distincts, Kamurocho pour Kiryu, et Sotenbori pour Majima (respectivement Kabukicho à Tokyo, et Dotonbori à Osaka dans notre réalité), avec au programme quêtes annexes, activités secondaires et autres rencontres aléatoires, comme tout bon J-RPG. Mais avec des combats en temps réel et beaucoup de QTEs exploitant les objets et le décor. Si l’on devait retirer à la saga (cet épisode compris) une mécanique « signature », ce serait d’ailleurs probablement les fameuses « Heat Actions », un éventail relativement large d’actions contextuelles menant souvent à des QTEs, et matérialisées par la jauge de Heat, se remplissant au cours des combats et octroyant même des bonus à notre personnages, comme par exemple une résistance à la mise au sol par les coups adverses. C’est beau, ça bouge bien et on se laisse vite aspirer dans cette intrigue qui oscille constamment entre mélodrame et situation burlesques.
Il est chronologiquement le premier épisode de la saga, tout en étant le sixième mettant en scène Kiryu, et profitant de toutes les avancées que la série a opéré en 9 ans d’existence. Gestion plus « réaliste » des foules et nos interactions avec, nouveau moteur depuis Yakuza 5 (2012 au Japon) qui permet des mises en scène, en jeu comme en cutscenes, absolument incroyables, les visages criant littéralement d’émotions. Et ce point en particulier est très important pour l’appréciation de la série, qui va beaucoup jouer avec. Oscillant entre film de yakuzas, thriller, film noir, d’arts martiaux le tout avec une pointe de shonen, et traitant de thématiques sociales très fortes (dont le traitement des autres communautés asiatiques, chinoises en premier lieu), il y a presque de quoi être submergé. Et pourtant, avec son intrigue double, il parvient toujours à nous tenir en haleine, et ce à chaque changement de personnage (tous les 2-3 chapitres environ). Et encore, j’ai à peine effleuré le monstrueux contenu annexe, qui propose entre autres billard, fléchettes, gestion d’immobilier ou encore de cabaret club. Je pense que le meilleur moyen de vous rendre compte de sa proposition, c’est encore de vous y lancer. Mais attention, son potentiel addictif pourrait vous faire, vous aussi, plonger pour quelques opus de plus dans les rues de Kamurocho. Et vous y reviendrez avec plaisir. Croyez-moi, j’en suis bientôt à la fin de l’épisode 5 à l’écriture de ces lignes, et je me force à faire des pauses entre épisodes pour ne pas y engloutir tout mon temps libre.
4. killer7

Il me semble que c’est la première fois que je parle d’un jeu Grasshopper Manufacture ici. Étonnant, mais au moins avec cette entrée le mal est réparé. Sorti en 2005 à l’occasion du fameux Capcom Five, une série de 5 jeux (puis finalement 4 avec l’annulation de Dead Phoenix) dirigée par Shinji Mikami en personne et née de la collaboration entre Capcom et Nintendo, killer7 se présente comme un rail-shooter avec une progression inspirée par la célèbre série du monsieur : Resident Evil. Et le lien n’est pas hasardeux, puisque Mikami lui-même participera à l’écriture du scénario, et produira globalement le projet. À noter que Resident Evil 4, réalisé par ce dernier, faisait également partie du Capcom Five, et aurait pu figurer dans mon bilan de l’année, puisque c’est en 2022 que je l’ai enfin intégralement parcouru. Mais quel est encore l’intérêt de parler de ce monument vidéoludique, que je considère comme l’un des points de départ du game design moderne, alors qu’il est disponible sur à peu près tous les supports présents sur le marché, et qu’il s’est même vu offrir un incroyable ravalement de façade cette année ? Concentrons-nous donc sur killer7.
Réalisé par le désormais fameux Goichi Suda (plus connu sous le pseudo Suda51), le jeu prend donc, comme dit plus haut, la forme d’un rail-shooter. Mais, contrairement à des références comme Time Crisis ou House of the Dead, une certaine « liberté » d’action nous est offerte. Comprendre ici qu’il est possible de choisir sa route, et également de faire demi-tour lors de notre progression dans les niveaux. Et, je l’évoquais dans le paragraphe précédent, celle-ci sera agrémentée d’éléments rappelant la série d’horreur phare de Capcom, avec notamment des raccourcis, objets clés et autres énigmes (jamais très complexes, mais ayant le mérite de varier un peu le gameplay) qui viendront garnir le level design. Deux modes d’action sont donc de la partie : le déplacement à la troisième personne, durant lequel il est impossible d’effectuer autre chose (hormis les pouvoirs spéciaux et le choix des routes), et la visée à la première personne, qui permet l’utilisation de l’arme et offre donc la composante shoot. Ajoutons à ça le fait que l’on ne contrôle pas un, mais bien 7 personnages (d’où le nom, qui fait référence à leur organisation), interchangeables à loisir dès qu’ils sont disponibles dans le niveau en cours. Chacun dispose de son arme signature, sa capacité spéciale (Garcian peut ressusciter les autres, Dan peut charger ses tirs, ou encore Kevin peut se rendre invisible par exemple) et sa propre « fiche perso », un peu à l’image d’un RPG. Car en tuant les Heaven Smiles – les principaux ennemis du jeu, créatures invisibles qui explosent au contact – vous obtiendrez leur sang, nécessaire à l’augmentation des différentes caractéristiques de votre pool de persos. Ceux-ci n’étant pas directement attaquables, il sera nécessaire de scanner la zone au préalable pendant la visée, avec le bouton associé. Et je vais m’arrêter là dans l’explication des mécaniques, car cela constitue le gros du jeu. Avec, bien entendu, pas mal de twists de celles-ci dont j’éviterai de vous gâcher la surprise. Sachez juste qu’à bien des égards, ce killer7 est.. surprenant. À commencer par sa direction artistique.
Si je me suis assez peu étendu sur sa trame scénaristique, pourtant très intéressante, bien qu’assez complexe et brassant plutôt large (présent alternatif sans armes nucléaires, tensions entre le Japon et les USA, et autres joyeusetés comme… des super sentai !?), l’aspect visuel est probablement ce qu’on remarque en premier, car tranchant radicalement avec les productions de l’époque. Alternant entre cel shading très prononcé et cutscenes à la production très « anime », le tout baignant dans un design singulier et toujours très marqué par niveau, killer7 en impose d’emblée. Sans parler de l’iconisation de la moindre image par des plans de caméra judicieusement choisis, souvent accompagnée du sound design adapté. Tout paraît cohérent dans la bizarrerie avec ce projet, et si ces longs paragraphes paraissent un peu « brasser de l’air », c’est principalement parce que c’est assez difficile de le décrire efficacement, car il fait partie de ces œuvres étranges, radicales sur tous ses aspects, ne prenant son sens que dans le jeu. N’hésitez pas à vous essayer à l’expérience si vous êtes curieux, mais soyez tout de même prêts à vous faire embarquer dans une proposition pour le moins déroutante. Promis, il le mérite.
5. Persona 4: Dancing All Night

Et quitte à parler d’œuvres déroutantes, nous arrivons au dernier titre de la liste, et pas des moindres. Pas tant dans ce qu’il met en scène et la manière dont il fait jouer, mais plutôt dans mon rapport au genre en question. Car Persona 4 : Dancing All Night est un jeu de rythme. Sorti en 2015 sur PS Vita et PS4, et développé par le P Studio (branche d’Atlus spécialisé dans la licence Persona), ce spin-off du J-RPG acclamé dans le milieu (et lui-même issu d’une série spin-off de Shin Megami Tensei) revient avec une toute nouvelle intrigue, faisant suite au jeu de base. Bon, pour être tout à fait honnête avec vous, je passerai outre cet aspect du jeu, que je n’ai quasiment pas fait. Mais sa structure rappelle l’autre spin-off – jeu de combat cette fois-ci – de Persona 4, P4 Arena (et son édition finale/suite Ultimax), à savoir une séparation entre deux phases de jeu distinctes. La première très inspirée des visual novels, avec quelques choix et la possibilité de sauvegarder à tout moment, et la seconde étant le gameplay particulier du titre. À savoir, ici, un jeu de rythme.
Mais alors, qu’est-ce que m’a tant dérouté avec cette œuvre ? Eh bien, tout simplement, que j’y ai autant pris goût et me sois même surpris à scorer, moi qui n’aime pas ces pratiques en temps normal, et surtout, qui ai toujours cru à mon absence totale de rythme. Au point que ce type de jeu pouvait presque me faire angoisser rien que d’imaginer l’essayer en public, de peur d’absolument tout rater. Et si ces craintes sont encore un peu ancrées en moi, parcourir la foule de morceaux que propose P4 Dancing m’a grandement aidé à les appréhender. Après, le contexte n’est pas anodin. Suite à mon rattrapage de Persona 4 courant 2021, sa bande son très axée J-pop m’a accompagné presque quotidiennement les mois qui ont suivi, s’ancrant profondément en moi, et faisant de cette œuvre une référence à la place désormais très importante dans mon « profil de joueur ». Alors, quand un jeu me propose d’exécuter lesdits morceaux, avec des variantes et des remixes (globalement de très bonne qualité), ainsi que des compositions inédites, l’occasion était trop belle pour rester ancré à mon appréhension face aux jeux de rythme.
Côté gameplay, c’est exactement ce à quoi on est en droit d’attendre d’un rythm game. Les notes arrivent du centre de l’écran et partent vers les directions matérialisées par les boutons de la manettes (Croix, Carré et Triangle pour le côté droit, et Haut, Gauche et Bas du D-Pad pour le côté gauche) et il faut les frapper en rythme (évidemment). Des notes doubles, longues ou encore plusieurs directions à la fois peuvent survenir, et les combos se maintiennent en obtenant des Perfect et Great. Les notes Good (un peu trop tôt ou tard) cassent les combos, de même que les Missed. Jusqu’ici, rien de bien original. Ajoutons à cela des cercles provenant également du centre, et qu’il faut cette fois-ci valider soit via le pavé tactile (plus pratique sur Vita), soit avec un coup de joystick, droite ou gauche (plus pratique sur PS4). Et, pour finir sur les mécaniques de base, un Fever Time peut se déclencher une à plusieurs fois pendant les morceaux, l’occasion de continuer des combos même en enchaînant les Good. L’occasion de ces moments étant, pour les danses disposant de partenaires, de le voir également danser à l’écran.
Et quitte à parler de partenaires, autant évoquer brièvement les personnages. Car, « Dancing » oblige, le titre met en scène les différents personnages de Persona 4, leur attribuant à chacun un éventail de morceaux, ainsi que nombre de costumes à débloquer dans la boutique du jeu (de même que des objets utilitaires que je n’ai pas testé, comme par exemple la possibilité de lier des Good même hors Fever). Disons le très franchement. C’est du pur fan service. Mais du bon. Et honnêtement, ce n’est pas moi qui m’en plaindrai cette fois-ci. À savoir qu’il existe des équivalents pour Persona 3 et 5, mais ceux-ci m’ont étonnamment moins accroché. Comme quoi. Dans tous les cas, si vous êtes amateurs de Persona et de rythm games, ou êtes tout simplement curieux et avides d’expériences enrichissantes et fort généreuses, n’hésitez pas à vous y essayer.
Conclusion
Comme dit au début de cette – bien trop – longue rétrospective, l’année fut particulièrement chargée. Tout d’abord en jeux bien sûr, dont certains sur lesquels je me suis suffisamment attardé. Mais également sur le plan associatif. C’est la première fois que je m’investissais autant dans une structure liée au jeu vidéo, et ce malgré quelques tentatives au fil des années précédentes. J’ai entre autres pu participer à la préparation et l’animation de cafés-débats centrés autour de thématiques du jeu vidéo, organiser des événements mensuels de jeux de combat (dans lesquels j’ai fait eu un peu trop de rôles), ou encore enfin participer en tant que bénévole au fameux Stunfest, pour lequel je suis en grande partie venu m’installer dans l’Ouest. Beaucoup de chose finalement, quand on prend un peu de hauteur. Et si tout n’a pas toujours été joyeux, il est indéniable que cet élan de participation à la vie associative du coin m’a ouvert à beaucoup plus de choses que je ne l’aurai espéré. Et, vous le verrez dans ma rétrospective 2023, cela m’a plutôt réussi. Un dernier mot concernant ma tendance au patient gaming. Mon but premier en vous présentant uniquement des rattrapages, dont certains datant de plus de 20 ans, c’était ma manière à moi de confirmer la ligne éditoriale que je tiens depuis le début de ce blog. Il a existé des merveilles sur toutes les générations de consoles, dans tous les genres, et celles-ci ne deviennent de fait pas obsolètes dès la nouvelle upgrade disponible sur le marché. Ces œuvres sont riches, façonnent encore, à des degrés différents, le jeu vidéo moderne et méritent au moins autant d’attention que les sorties annuelles. C’était peut-être un peu long et confus, mais j’espère avoir, à mon niveau, quelque peu contribué à la revalorisation de ce mode de consommation, que je rejoins beaucoup sur certains aspects. Pour clore ce dossier, j’aimerai vous partager le tableur de mes jeux parcourus en 2022, sur lequel je me suis beaucoup appuyé pour le réaliser. Vous le trouverez en cliquant sur ce lien. Il ne me reste plus qu’à vous dire à l’année prochaine, pour un dossier consacré à mes jeux de 2023 !